jeudi 26 février 2009

Vous avez dit maffia? (5)

Continuant de citer Roberto Saviano, "Gomorra", je vous livre à présent quelques extraits traduits à ma façon du chapitre sur les déchets.

"Le sud est le terminus de tous les déchets toxiques, restes inutiles, lie de la production. Si les déchets hors contrôle - selon Legambiente- étaient mis en un seul tas, cela ferait 14 millions de tonnes, pratiquement une montagne de 3 hectares à la base, montant à 14.600 mètres. (...) Les clans de la région de Naples (...) ont encaissé en 4 ans 44 milliards €. (...) Dans la région de Giuliano, on a découvert une grotte abandonnée, totalement remplie d'ordures. La quantité déversée correspond à la charge de 20.000 poids lourds, mis bout à bout, cela ferait une file de Naples à Milan. (...) Les campagnes de Naples et Caserte sont des archives vivantes de l'industrie italienne. En visitant les décharges et les grottes, on voit le destin des produits industriels pendant des décennies. (...) 
Un jour qu'un agriculteur labourait le champ qu'il venait d'acheter, le moteur de son tracteur peinait comme si la terre avait été particulièrement lourde.  Soudain, du papier en lambeau sortit du côté du soc: c'étaient des sous, des milliers de billets de banque, des centaines de milliers; le paysan jaillit de son tracteur et se mit à les ramasser frénétiquement. Malheureusement, ils avaient été décolorés et déchiquetés: billets de la Banque d'Italie, tonnes de ballots sortis de la frappe; le temps de la lire italienne se terminait sous terre, les déchets de vieux papier monnaie libéraient leur plomb dans un champ de choux fleurs. " 

dimanche 22 février 2009

vous avez dit "maffia" ? (4)

Et toujours Roberto Saviano (je n'invente pas, je traduis "Gomorra") :

" A Secondigliano, on avait militarisé la nouvelle organisation des garçons; on en avait fait des soldats.
Pikachu et Kit Kat m'amenèrent chez Nello, un restaurateur à pizza chargé de nourrir les garçons du Système à la fin de leur service. J'avais à peine mis les pieds dans la pizzeria, qu'entrait un groupe ; ils étaient boudinés, du fait des gilets pare-balles. (...) Visages de jeunes garçons, quelques uns avaient un peu de duvet sur les joues, ils avaient de 13 à 16 ans. (...) Ils mangeaient, mais surtout ils buvaient: eau, Coca, Fanta. Incroyable, cette soif. Tout dans leur bouche avait séché, de la salive aux paroles.
Puis je compris qu'ils venaient des gardes de nuit, et qu'ils s'étaient shootés; on leur donnait du MDMA pour qu'ils ne s'endorment pas et qu'ils gardent l'appétit. MDMA fut breveté par Merck (Allemagne) et donné aux soldats allemands pendant la Première Guerre Mondiale, on les surnommait "Menschenmaterial" , matériau humain: ainsi, ils dominaient la faim, le gel, la terreur.
Les Américains en ont fait aussi usage pour leurs espions.
Et maintenant, ces petits soldats avaient eu à leur tour leur quantité de courage chimique et de résistance artificielle".

Quelques oranges sur l'Aventin

Voici le clocher de l'église Ste Sabine, avec au premier plan l'un des nombreux bigaradiers (oranges amères) qui l'entourent; depuis le parc où ils prospèrent, le promeneur amoureux peut rêver sur le Tibre et la Ville basse et ses coupoles.
Il faudrait aussi, cher lecteur, que vous entendiez le tintement des cloches centenaires qui appellent en ce dimanche matin les fidèles à la prière... c'est un avant goût de la promesse qu'elles portent... 













détail des oranges, dont les plus basses ont été cueillies depuis longtemps: la confiture qu'on en fait (mélangées d'oranges douces) est un autre bonheur.

vendredi 20 février 2009

Pensée du jour (2)

proposée par Paul, collègue de la FAO:

Il était au Sénégal, et bavardait avec le chauffeur du bus, à l'occasion d'une pause repas en pleine campagne:

"- Le Gouvernement vient de prendre une loi contre l'enrichissement illicite, lance Paul.

- oui, répond le chauffeur, qui avait quelques heures de volant. Il faudrait qu 'il prenne aussi une loi contre l'appauvrissement illicite..."

jeudi 19 février 2009

La 'pensée du jour'

m'a été dernièrement proposée par Margot, qui citait Dietrich Bonhoefer:
"La faute la plus grande, c'est de craindre de faire des fautes".
Qui se souvient des premiers mots de Jean Paul II, à la loggia de St Pierre ?

mardi 17 février 2009

Ce soir, il flottait dans l'air de Rome

un léger parfum de fleur, mêlé d'odeur lourde de paraffine, et d'herbe fraîche: n'en doutons plus: le printemps se prépare; cette odeur venait-elle d'amandiers en fleurs? Ils mériteraient bien leur nom biblique, dans ce cas/ Isaïe les appelle les veilleurs, car ils sont les premiers à déceler l'approche des beaux jours, tout comme le coq, en plein coeur de la nuit, sait chanter le matin prochain.

dimanche 15 février 2009

Petit jogging au bord du Tibre

Comme chaque jour depuis sa construction par les Étrusques (il y a plus de 2500 ans), la cloaca maxima achemine au Tibre l'eau qu'elle a drainé sous  le Forum romain.
Depuis , les alluvions ont élevé le niveau du fleuve, elle est un peu engorgée...
Voici sa bouche d'arrivée au Tibre (remarque: les Grecs ne connaissant pas la construction en voûte, les Romains l'ont apprise ... des Étrusques) 












 Cette tête rappelle que le forum boarium, marché aux bestiaux, se tenait tout près (nous sommes près de Bocca della Verità); à lépoque, ces murs qui séparent le fleuve de la Ville, pour l'endiguer, n'existaient pas. Les rives étaient en pente naturelle, et les bestiaux pouvaient s'abreuver facilement. La Ville et le fleuve étaient en harmonie... aujourd'hui le Tibre est peu visible, presque  étranger...  
Les murs et la tête ont été faits à la fin du XIXème siècle.

samedi 14 février 2009

Et quelques mots amusants...

(à louer) una cantina in bocca di lupo: une chambre de bonne avec fenêtre mansardée (la fenêtre ayant une envergure à peine plus grande que celle du loup vorace) 

Devant un bâtiment administratif: entrée réservée aux dipendenti : ce ne sont pas les accros de la drogue ou de l'alcool, ce sont les agents du service.

Nolegio:  une location, rien à voir avec knowledge...

mardi 10 février 2009

Gastronomie italienne (3)

L'Italie dans son Histoire magnifique n'a pas manqué de cours princières, royales, pontificales, ni de riches banquiers ou condottiere... et pourtant, sa cuisine n'en a pas gardé le souvenir, elle n'a pas cet objectif socio culturel ambitieux de la table française.
Jusqu'à une date récente, en effet, notre manière française de recevoir à table était -me semble-t-il - imprégnée des traditions de la grande bourgeoisie parisienne, elle-même républicaine certes, mais se souvenant des fastes de Versailles ou des Tuileries. A l'instar de notre régime politique qui est "une République monarchique" , notre cuisine reste 'quelque part' aristocratique et élitaire. Et gourmande.
Je suis obligé de vous dire, cher ami lecteur, que la cuisine italienne me paraît à la fois amicale, généreuse, pleine de soleil c'est entendu, mais aucunement héritière des Grands de son Histoire; ce sont les gens normaux qui ont gagné. Peut-être faut-il voir ici la tradition profondément républicaine des villes italiennes médiévales, qui avaient tôt conquis leur autonomie face aux seigneurs féodaux: les Italiens mangeraient aujourd'hui encore comme les libres citoyens de Gênes, Amalfi ou Venise... comme les marchands, les marins, les soldats, les artisans du Moyen Âge... ils mettent leur argent dans ce qui se voit (l'Art, les habits, aujourd'hui les voitures), ou dans ce qui dure (l' Église, ou les bâtiments).
Une 'aile de raie sauce gribiche' n'intéresse pas. E basta.
"dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es".

Vous avez dit "maffia" ? (3)

Traduisant toujours Roberto Saviano (je n'invente rien):
C'était un type bien habillé, je dirais même très bien en complet blanc, chemise bleue et chaussures de sport toutes neuves. Il ouvrit un rouleau de daim sur le capot de la voiture, quelques seringues étaient dedans. Les Visiteurs s'approchèrent en se bousculant, mais l'un d'eux se mit à hurler: "Non, j'en prends pas, même si vous la donnez, j'en prends pas... vous voulez nous tuer..."
La méfiance de l'un suffit à éloigner les autres. Le type ne semblait vouloir convaincre personne, il attendait tranquillement. De temps à autre il crachait par terre (...) Et puis l'un s'avança , en couple. Ils tremblaient ils étaient à bout (...)Les veines de ses bras étaient inutilisables; il retira ses chaussures, mais la plante des pieds était également fichue. La fille prit une seringue du rouleau, ouvrit sa chemise lentement comme si elle avait eu 100 boutons, et piqua sous le cou, c'était de la cocaïne. L'injecter directement dans le sang permet de voir rapidement si le mélange marche, ou si l'on s'est trompé, si on en a trop mis. Peu après le garçon se mit à chanceler, sa bouche écumait légèrement, il tomba. A terre il eut des saccades, (...) puis il s'immobilisa et ferma les yeux.
Le type en blanc commença de téléphoner avec son mobile: "Il me parait mort... oui, OK, je lui fais un massage..." (...) Il faisait le massage cardiaque avec ses pieds sans se déchausser. La fille à son côté balbutiait " pas comme ça, pas comme ça, tu lui fais mal..."
(...)
Puis le pied sur le sternum, il téléphona encore: "celui là a crevé... ah le mouchoir, attends je vais voir..."Il le mit sur la bouche du garçon, mais rien... Il téléphona encore une dernière fois: "Il est mort, il faut faire un mélange plus léger..."Le type remonta dans la voiture, où le chauffeur n'avait pas cessé de se dandiner comme si la musique avait été à fond, et tout le monde partit.
Le garçon restait seul par terre, la fiancée pleurnichait, son cri rauque restait attaché à ses lèvres.
Puis elle retira son pantalon et fit sur sa figure. Le mouchoir colla à la bouche et au nez du gars, et peu après il reprit connaissance et passa sa main sur sa bouche et son nez, comme quand on sort de l'eau.
Ce Lazare milanais était ressuscité grâce à je ne sais quelle substance de l'urine... il se releva lentement.

samedi 7 février 2009

Gastronomie italienne (2)

 A part dans une partie du Nord, l'herbe pousse mal en Italie: donc les vaches y font moins de lait et moins de viande. Certes il y a une ou deux races bovines italiennes superbes, mais la gastronomie ne dispose globalement pas de viande rouges, ni de crème fraîche ou de fromages comme en France. 
Donc la cuisine fera moins appel à ces produits; en revanche, elle valorise la viande saisonnière, calée sur la pousse printanière de l'herbe, ou automnale: veau, agneau, chevreau, et la viande désaisonnalisée: volailles qui mangent de grain ou ... des granulés; et porc  en charcuterie (jambon de Parme!)
Ici, la viande est généralement servie en tranches fines, sans doute parce qu'autrefois, il y en avait peu. Le Marché Commun Agricole a  complètement changé l'offre (et bien des animaux du Massif Central finissent en Italie) mais les habitudes alimentaires changent plus lentement. Et donc les antipasti vous feront passer le gros de la faim avant que le plat de viande ne soit présenté... 

Vous avez dit "maffia" ? (2)

Voici ce que j'extrais pour vous du livre "Gomorra" de Roberto Saviano: (je traduis de l'italien à ma façon)
*** Au temps de la guerre intestine de la Nuova Famiglia, les Nuvoletta ont appelé l'assassin du juge Falcone, pour qu'il élimine 5 personnes en Campanie, et en dissolve 2 dans l'acide. Ils l'ont contacté comme on contacte un plombier, et c'est lui qui a révélé aux juges la stratégie utilisée pour dissoudre Luigi et Vittorio Vastarella. " Nous avons donné l'instruction d'acheter 100 litres d'acide chlorhydrique; on se servait de bidons de 200 litres, utilisés pour l'huile d'olive, en découpant le haut. Selon notre expérience, il fallait 50 litres d'acide pour une personne et un bidon."  
*** (drogue) Une des innovations du clan Di Lauro, ce fut de protéger les acheteurs; auparavant, ils pouvaient être arrêtés, fichés, conduits au commissariat. Désormais, les sentinelles protégeaient non seulement les revendeurs, mais aussi les petits acheteurs, qui sont l'un des premiers motifs de vente de drogue à Secondigliano. Ainsi on pouvait accéder en sécurité aux rues et places gérées par Di Lauro.
***Giovanni Falcone citait un jour à des écoliers un exemple de rentabilité de la drogue: " pensez que 1000 Lires investies au 1er septembre dans la drogue, deviennent 100 millions en août suivant."
(à suivre)

vendredi 6 février 2009

et toujours la différence grandit, au fur et à mesure que l'on progresse...

En italien, 'vertice' n'a rien à voir avec le vertige, c'est un 'sommet '.
Dans le bus, si vous demandez à quelqu'un de "se bouger" pour vous laisser passer, dîtes permesso/ cela veut dire 'pardon', à l'usage.
Mi dispiace: désolé, ça ne signifie pas 'cela me deplaît', cela signifie 'désolé'.

mardi 3 février 2009

Vu dans Paris cet après midi:

deux superbes palmiers Phénix, dans un coin abrité (cela s'appelle un cagnard dans le Midi): ils n'ont apparemment souffert d'aucun froid...
Le climat se réchauffe...

lundi 2 février 2009

dimanche 1 février 2009

Gastronomie italienne (1)

A la demande d'Elisabeth, je vous partagerai de temps en temps mes 'impressions' sur la gastronomie italienne, au fil des jours et des moments.

Pour entrer en matière, je confirmerai auprès de vous cher Ami Lecteur, qu'à mes yeux, la cuisine de la botte est bien l'une des meilleures du monde; elle est inventive, équilibrée, repose sur des fondamentaux sains: céréales, légumes ("verdura"), féculents ("legumi"), vins,  huiles végétales et poissons.  Le pain est excellent, mais il n'est pas systématiquement offert à table / il est toujours facturé sur une ligne spéciale ("pane e coperto": pain et couvert). L'eau est rarement servie en carafe, les Français ne connaissent pas leur chance de disposer au robinet d'une eau non seulement potable, mais de qualité. 
Sont absents les laitages, les viandes rouges, et une certaine pâtisserie. Les raisons sont simples, comme souvent dans la vie, et je vous les présenterai dans une prochaine rubrique.
Le style est différent du nôtre: cette gastronomie me paraît plus paysanne, moins influencée par la grande bourgeoisie ou par la Cour du Roi. (A mon sens, la cuisine française jusqu'à une date récente se situait entre Versailles et les Beaux Quartiers de Paris). 
"Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es": je vous dirai donc ce que la table italienne révèle - à mon sens - de ce pays foisonnant.