Exemple de l'insouciance romaine

Il y a peu, je demande à Marco, mon boucher talentueux, quand il ferme le magasin; la réponse vaut son pesant de bavette:

"Vendredi 7; non, jeudi; non, peut-être mercredi...". Devant mon air interloqué, il précise:

 "Enfin, je veux dire que je partirai en vacances quand j'aurai vendu toute la marchandise..."

L'abbaye généralice des Bénédictins n'est pas exempte de cet à peu près: les horaires changent sans cesse, quasiment sans préavis, mais... avec les meilleurs motifs du monde. 

Le plus bel exemple est la fête patronale de St Benoît: comme elle tombe en juillet, quand la plupart des moines étudiant à Rome ont fini leur année d'études, elle n'est pas célébrée. 

NON.

Les Bénédictins de St Anselme fêtent St Benoît à un autre moment de l'année, à l'anniversaire de sa naissance naturelle (pas sa mort, qu'on appelle chez les spécialistes convaincus "la naissance au Ciel"). 

Si vous ne le savez pas, vous vous plantez.

Je ne connais qu'un mot comme ça/ une seule consonne pour

une seule consonne pour 5 voyelles: les pelouses se disent "aiuole". 

A l'inverse, en polonais, il y a beaucoup de mot chargés de consonnes, et pauvres en voyelles: aube se dit "brzask" (prononcer bjaske).

 Finalement, "cigale" est un mot sonore et bien posé!

Comment à Rome, Ville Eternelle, définir le temps?

Définir le temps est un problème philosophique inépuisable, mon professeur de mathématiques en classe de spéciales, disait: "c'est la succession des états de la pensée."
A Rome, auprès de ma chère cigale, j'ai trouvé une définition pratique vérifiable à tout feu de circulation: quand le feu passe du rouge au vert, s'écoule un bref instant de silence (même la cigale attend, quasi pétrifiée) ; et puis un avertisseur retentit, qui invite le premier chauffeur à sortir de sa minable torpeur.
C'est cela: l'instant est la fraction de temps qui s'écoule entre le signal vert et le klaxon rageur.
Gageons que les soirs de match "Rome-Milan" l'instant est archi bref, et que le dimanche matin, il s'étire paresseusement parmi les carillons qui appellent à la prière.

Dans une grosse librairie de Rome

j'achète des livres pour mon frère Robert, sur les motos Ducati. Le magasin est distingué, on sent une recherche éditoriale d'avant garde, mais apparemment de bon goût. La climatisation marche bien, détail important par cette chaleur soudanaise.

A la caisse, je paye avec ma carte de crédit italienne, quand j'avise, parmi le fatras du comptoir .... une pile d'encycliques "Caritas in Veritate" en langue italienne; quoi de plus naturel? Le libraire les vend également à ses clients, pour qui semble-t-il le monde est moins schizophrène. 

Je délire, en imaginant ma chère amie libraire de la rue XYZ dans le VIIème arrondissement de Paris, mettre en vente des encycliques de Benoît XVI, entre Sartre et 'les bienveillantes'.

La pression sécuritaire de mon quartier (ghetto de Rome depuis 1555, bulle "cum nimis absurdum")

a l'avantage que ma bicyclette est intacte; on n'a même pas volé la selle, si utile à mon siège.

D'autres collègues sont moins chanceux: Louis, dont je parlais chez son coiffeur, a déjà perdu 3 vélos en 3 ans (perdu est un euphémisme: ils lui ont été volés, le dernier était attaché devant le poste des carabiniers). Quant au papa du petit garçon si beau "qu'il ressemble à Mussolini", il en est à son 7ème vélo volé en 4 ans.

Fermez bien vos volets le soir avant d'aller dormir: des acrobates pourraient par la façade, par la gouttière, entrer par la fenêtre dans le calme de la nuit.

 

Oui, le climat change

Depuis une semaine, éclate chaque soir un violent orage, zébré d'éclairs et martelé de grands coups; et puis, après 2 heures, tout s'efface, le soleil revient, et l'été reprend sa pleine puissance.

Serions -nous passé en zone tropicale? Aurions-nous droit à un typhon chaque soir ?

Il semble que toute cette pluie coule sur les ailes des cigales "comme l'eau sur les plumes du canard", car elles reprennent leur chants éternels dès le lendemain. 

Oui, le climat change, et pas seulement en hiver.

30 juin 20 heures: ivre de soleil (et de gaz d'échappement)

une jeune cigale romaine chante à tue tête dans un olivier au pied du Palatin. Les empereurs sont partis depuis longtemps, les troupes de Napoléon aussi d'ailleurs, mais la cigale s'en fiche comme de sa première chrysalide. Les voitures empestent et font du bruit alentour: elle les méprise plus encore qu'elle ne méprise les fourmis.
L'olivier chante imperturbable, le son est immobile, le temps est arrêté... et le mot de Frédéric Mistral me revient à l'esprit: "Les oliviers, ces arbres au murmure immensément vieux..."
L'été peut maintenant = vraiment = commencer.

Il n'y a plus de conflits d'idéologie, dit

Tahar Ben Jeloun, il n'y a au XXIème siècle que des conflits d'identité.
Je trouve cette vision plus 'efficace' que le vague conflit des civilisations.
L'ennui est que si les idéologies pouvaient interférer avec le pouvoir de l'argent, les identités n'ont pas de contact avec 'mamon'. C'est grave.

Déjà, à la fin du XIXème siècle, Otto von Bisnarck disait, en parodiant l' Évangile: "Beati possidentes", heureux les possédants. N'est-ce pas cynique ?

Un faux ami en langue anglaise....

Il y a certes beaucoup de faux amis en anglais, mais celui-ci est de taille: je parle avec une collègue un soir sur le porche de la FAO, et lui dis que j'espère bien achever telle tâche un jour.

Elle me répond 'yes, yes, eventually'.

J'en ai conclu qu'elle doutait, que cela pourrait aussi ne pas se faire.

Elle m'a rassuré: ce mot signifie 'en fin de compte oui'. Donc elle partageait mon avis.

C'est souvent comme ça, à la FAO; donc il faut garder son calme et vérifier si l'on a bien compris, avant de s'inquiéter !

Les Provençaux disaient: "Saint Jean l'enflamme, Saint Pierre

l'embrase": ils parlaient de l'été qui ne commence donc vraiment que le 24 juin en Arles.

Force est de reconnaître qu'à la latitude de Rome, l'été commence bien plus tôt; nous avons étouffé dès la Saint Élisée, 14 juin.  Et à la latitude de Paris, on a souvent bien froid à la saint Jean d'été... 

Étouffé n'est pas trop fort: j'ai mis en route des ventilateurs.  Certes, il y a la clim chez moi, mais j'estime que c'est trop énergivorace. Pas assez écolo. Je ne la mets donc que très peu en service.

Latitude, latitude: ai-je la gueule d'une latitude?

Une nouvelle professionnelle: 1 millard de gens souffrent de la faim

Les journaux ont bien repris l'information communiquée par "ma" maison: vous avez bien lu.
Loin de reculer, la faim gagne: ce sont plus d'un milliard de gens qui ont faim aujourd'hui.
1.000.000.000; si l'on mettait quelqu'un sur chaque millimètre de la route qui va de Dunkerque à Perpignan, cela ferait le compte. Chaque millimètre.
Une personne sur six sur terre, en moyenne, si vous préférez...
Vous direz que si on était moins nombreux, ça irait mieux. J'entends encore des plaisantins dire: "ah, une bonne guerre !"

Mais il y a heureusement d'autres solutions:
techniques (mises en cultures de nouvelles terres, irrigation, diffusion de 'bonnes' semences...),

sociales (meilleure organisation des producteurs, promotion des pauvres et des femmes(ce sont eux qui ont faim; si on les forme, ils s'en sortiront?), amélioration des droits de propriété du sol ou de l'eau...)

économiques (meilleure protection des agriculteurs des PVD, meilleures gestion des marchés de denrées (moins de spécul que diable))

financières (renforcement de l'aide , de l'investissement, meilleurs prêts (merci M. Grameen))

Et si les grandes tables françaises ou européennes mettaient des produits 'du sud' à l'honneur de leurs menus ? (Saviez vous que le Prince Charles adore le tapioca cuit au lait de coco ?)

Donc , Rome est un "mille feuilles", me disaient des amis de passage

pour résumer la profonde complexité de la Ville et de ses habitants. Un problème cache une merveille, qui recouvre un mystère, qui repose sur un mensonge, qui nage sur le sang des martyrs...

J'ai répondu sans réfléchir: " C'est un million feuilles". 

En Ethiopie...

En tournée non loin d'Addis Abéba, mon collègue et moi avons fait une pause près d'un hameau familial: me voici avec le patriarche (85 ans) et quelques uns de ses petits enfants.

La meule derrière est faite de bouses de vaches récoltées, pétries, séchées, stockées, puis vendues par les femmes. Elle est parfaitement inodore.

Evidemment, elle signifie autant de fertilisants en moins pour les champs de la famille. (Les bouses servent de combustible: l'azote part en fumée...)

Les nouvelles plaques minéralogiques françaises

sont absolument identiques aux italiennes; il n'y a qu'un petit "F" ou un petit "I" sur fond bleu ciel, pour faire la différence; mais ces petites lettres sont invisibles: de belles embrouilles sont donc à prévoir, M. Mangiapani de Monza pourra faire de belles infractions en Provence, sa contravention sera envoyée à M. Escartefigue, à Mouriès.
Qui a dit que nous sommes en Europe ? Le sages parisiens qui ont défini ce système d'immatriculation n'ont pas regardé à Vintimille, ni à Aoste...

Par le président d'Alitalia: l'Italie est

" L'Italie est un pays-système", plus fort qu'on ne pense en général. Et il est très différent de l'image négative qu'on lui attache souvent.
(Roberto Colaninno, magazine Ulisse, d'Alitalia, n° de mai 2009)

Commentaire de votre serviteur: en tant qu'ami de l'Italie, je trouve ce point de vue intéressant.