mercredi 4 juin 2008

100 jours à Rome

Cette Ville traverse une crise profonde, c’est un collègue italien, Luca, qui me le faisait comprendre.
En effet, elle avait touvé un équilibre bonhomme, à l’ombre de la tiare, des ses fastes, de sa bonté, et des promesses du Bonheur Éternel. Elle s’accommodait de l’Histoire encombrante que lui rappellent ses prestigieuses ruines millénaires, et faisait même semblant d’en être la digne héritère. Elle avait digéré les horreurs de la Réforme protestante, assimilé les joies de la sérénité retrouvée (baroque catholique), laissé repartir les armées de la Révolution et de l’Empire, fait « le gros dos » devant la monarchie savoyarde (une république couronnée), et le Duce.
On vivait il y a quelques années encore à Rome « comme dans un roman de Marcel Pagnol » (lire : « tempo di Roma » d’Alexis Curver); j’ai rappelé ailleurs dans ce blog, que les paysans des Abruzzes descendaient avec leurs cageots de légumes et leur tortues, et les vendaient au coin des rues, il n’y a pas si longtemps. Les Romains avaient touvé un compromis (una combinazione, un arrangement) entre les obligations modernes et l’ardente obligation de vivre avec nonchalance : « tout finissait par s’arranger ».

Malheureusement, le charme est rompu. La mondialisation balaye tout, internet est au coin de chaque rue du Champ de Mars (il y a un cybercafé à 200m du lieu où Jules César fut assassiné). Il faut s’accrocher à l’€, être rentable, efficace, respecter les Lois… Tout cela devrait paraître simple – que dis-je : naturel - aux descendants des soldats du même César, aux héritiers de ces Juristes inventeurs du Droit Romain, aux bâtisseurs du pont du Gard, aux administrateurs de la Grèce et de la riche Phénicie.
Eh bien, non. C’est un cauchemar ; certes les Romains éditent des lois, des règlements, des décrets… ils organisent une police municipale, une police d’Etat, des Carabiniers, une Garde des Finances… ils intègrent les puissantes mécaniques institutionnelles du Nord Glacé de l’Europe… mais ça prend mal, ça ne tourne pas rond, « il y a quelque chose qui cloche » , et c’est la complication sans fin – horreur : cela prend un tour byzantin !
Les Romains traversent une phase de transition difficile, ils accueillent même des immigrés nombreux et colorés. Ils ont perdu leur nonchalance, mais ils restent résignés, comme au temps où les troupes de Charles Quint et du Conétable de Bourbon saccageaient Rome, comme au temps où le Pape n’était pas seul dans son lit, comme au temps où Napoléon 1er leur avait donné son fils pour roi.
Bref, une fois encore, Rome vit à l’union du monde contemporain : Rome exprime magnifiquement (pathétiquement serait exagéré, car il reste ici l’ironie) le changement de société. Comme à la fin du XVIè siècle, l’Eglise apportera-t-elle une réponse à la Ville et aux hommes de ce temps ? Ce temps de tension débouchera-t-il sur des véritables solutions de Vie, sera-t-il suivi d’un autre baroque pétillant , sûr, épanoui, promettant la durée, légitimant à nouveau un farniente repensé ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Et même des immigrés non colorés qui sirotent des cafés du coté des vestiges du grand stade...