dimanche 12 août 2007

Impressions napolitaines

Lorsque j’étais à Varsovie, j’ai appris que les Chevaliers Teutoniques avaient répandu le bruit dans toute l’Europe médiévale, que leurs voisins baltes étaient païens, et que c’était par conséquent une bonne œuvre que concourir par les armes — comme en Terre Sainte – à la propagation de la Foi en combattant à leurs côtés. L’imposture a superbement fonctionné, y compris lorsque le grand maître de ces croisés a rompu avec Rome, rejoint les Luthériens, et –très accessoirement – conservé pour son propre usage les biens que l’ordre avait conquis par le glaive et au nom de la Croix : l’hydre prussienne naissait.



Il me semble que le mépris dont les Piémontais arrosent leurs compatriotes du Sud relève de la même imposture : la maison de Savoie et ses amis justifient a posteriori les malhonnêtetés de l’Unification italienne (1870), par les insuffisances de caractère ou de comportement des Napolitains, Siciliens, ou autres Calabrais. Ce seraient des arriérés .

Le Nord Vertueux a dû intervenir dans le Sud, pour combattre la paresse, le vol ; pour apporter les lumières de la raison et du taylorisme ; pour faire entrer l’Italie dans la société des grandes nations (et la doter ensuite de colonies). Certes, les autorités religieuses ont été plus fermes qu’avec les Teutoniques : le roi du Nord a été excommunié. Mais cela ne l’a pas empêché de parer le drapeau national des couleurs des 3 vertus théologales : vert (espérance), blanc ( foi), rouge (charité).

Cette propagande est toujours bien vivante, et lors d’un court séjour dans la capitale parthénopéenne, j’ai été tout surpris de trouver ses habitants différents de ce qu’on en dit : paisibles, actifs, serviables, vifs, élégants, patients, raffinés… et joyeux de vivre. Naples n’est certes plus qu’une capitale déchue, une aristocrate ruinée. Elle continue d’entretenir son patrimoine, de travailler dans l’imprécision, de croire en Dieu sans le maudire, et de contribuer à l’Unité italienne avec tact, mesure, et … scepticisme.

Mes amis et moi n’avons pas été volés (à Milan, Rome et Venise, j’ai été volé ; pas à Palerme, Naples, ni San Giovanni Rotondo). Nos transports en commun ont fonctionné à merveille, et l’eau du robinet était aussi buvable qu’à Paris. Les rues m’ont semblé propres, la misère ne s’étalait pas plus que dans l’orgueilleuse Milan. Et dans le vieux Naples, les commerçants présentent leur marchandise dans la rue, à portée de main des passants. La jeunesse respecte les cheveux blancs davantage qu’à Paris. Bref, à Naples, la vie paraît garder le souvenir de critères antérieurs au monde des Lumières et de leur fille, la Révolution. Et c’est là que j’ai enfin compris la phrase de Talleyrand : « Qui n’a pas connu l’Ancien Régime, ne sait pas ce qu’est la joie de vivre ».


En somme, Naples garde cette santé d’âme et cet optimisme que tant d’Européens du Nord ont perdu. Sauvons le Mezzogiorno !





Jean Gault


P.S. : Jean Cocteau disait : « Un Français est un Italien de mauvaise humeur ».

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